Il y avait une forêt de cèdres 2 : Tournage

C'est moi qui parle ✎Denisa
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Juin 2023. Moyen Atlas.

Après des mois de vadrouille, nous retournons à Ifrane. Notre intuition nous dit que nous avons encore des choses à vivre avec les cèdres. Cette fois-ci, la chance nous sourit. Même si nous ne sommes qu’à quelques kilomètres du centre touristique du cèdre Gouraud, nous nous retrouvons seuls. Tao a suivi des chemins de plus en plus petits, puis des pistes, pour finir en plein milieu d’une forêt peuplée d’énormes cèdres, dont les branches terminent à plus de dix mètres de leur tronc.

Cette fois-ci, tout est vert, les cèdres pètent la vie et des bébés cèdres commencent leur aventure partout où l'on va. Nous sommes heureux. Un de ces géants donne de l’ombre à Tao, son frère le plus proche nous offre ses branches pour suspendre nos hamacs, et un troisième sert de cachette à Naomi. Le soir, nous faisons un feu de camp et lisons des contes marocains dans lesquelles figurent les cèdres. Nous sommes aux anges.

Tous les jours, nous faisons des balades parmi les cèdres. Le plus souvent à pied, mais aussi à vélo. C’est le deuxième jour que nous partons le plus loin dans la forêt. Nous ne voyons plus personne et parfois, juste le GPS nous indique la direction à suivre, car notre chemin n’est qu’une faible trace. C’est là que nous rencontrons pour la première fois des singes magots vraiment sauvages. Au lieu de venir quémander, ils font ce qu’il sont censés faire. Ils restent à une petite distance à nous regarder, aussi curieux que nous. Les mamans amènent leurs bébés en sécurité plus loin, tandis que les jeunes restent plus près pour montrer leur courage. Heureusement qu’Arthur a son téléobjectif, ce qui lui permet de se rapprocher sa vidéo sans les déranger. C’est ça pour nous, la vraie aventure d’observateurs naturalistes !

Matin et soir, à la golden hour, Arthur part tourner, avec ou sans son papa. Les premières fois, il ne sait pas trop comment s’y prendre. Mais ça ne l’empêche pas de persévérer. De toute façon, rien que de se promener et d’observer la nature qui se réveille le remplit de joie. Après chaque escapade, il télécharge ses prises de vue pour les regarder avec son papa. De longues discussions suivent et plus ils avancent, plus ils ont des idées. Ensemble, ils inventent de nouvelles expériences, des prises de vue inattendues, ils cherchent de nouvelles bestioles… Petit à petit, les bouts de vidéo se rassemblent pour illustrer toute la richesse de la biodiversité de la forêt.

Plus la semaine avance, plus Arthur commence vraiment à croire à son projet. Il répertorie les plans qui lui manquent, et le lendemain, il part à leur recherche. En parallèle, nous essayons d'en savoir plus sur la biosphère des cèdres, sur le réchauffement climatique au Maroc, sur les facteurs qui entrent en jeu dans la mortalité des cèdres et les actions nécessaires pour les sauver. Car ce à quoi Arthur aspire est plus qu’un simple reportage. Il veut émerveiller par la beauté, toucher les cœurs par le drame de la mort et surtout : dénoncer, avertir, réveiller ! Si seulement il pouvait provoquer des actions concrètes… Mais le plus important, c’est d’avoir agi. Il aura fait sa part, même plus. Il aura fait tout son possible pour que ces cèdres ne soient pas morts sans être vus.

Pendant deux semaines, la vie de toute la famille tourne autour de la création du film d’Arthur. Nous parlons film, nous faisons des balades tournage, nous attendons le retour des caméramans au camion… Dedans, jour et nuit, Arthur s’enferme dans son studio improvisé (sa chambre avec le rideau tiré ;-). Tout seul, il a appris à maitriser le logiciel DaVinci Resolve et réussi à monter sa vidéo avec la finesse d’un vrai artiste (en tout cas, de mon point de vue de maman). Nous sommes devenus, autant que possible, des experts autodidactes en matière de cèdres, singes et sècheresse. Nous avons fouillé dans les profondeurs de nos esprits pour mettre des mots sur le message qui criait dans le cœur d’Arthur. Mon petit garçon a encore grandi et se rapproche de plus en plus du jeune homme qu’il deviendra un jour. C’est intense et à la fin de tout ce périple, nous aurons bien mérité de souffler et de changer de sujet ! Mais quelle joie.

Et maintenant ? La version zéro du court-métrage est finie. Arthur l’a envoyée à une poignée d’amis artistes : musiciens, photographes, documentaristes… pour avoir leurs premiers retours. Car pour lui, ce n’est QUE la version zéro. Grâce à leur feedback, il espère pouvoir aller plus loin encore, apprendre et perfectionner. Et ce ne sera que quand il sera complètement satisfait du résultat, qu’il le rendra public.