(Ci-dessous le texte de cette histoire à écouter)
De sa cachette, il avait regardé nos bateaux à rame garés dans le canal et quand il a vu qu’une petite pièce était cassée, il a pris l’initiative de la réparer juste pour faire plaisir… ou pour prendre soin peut-être ?
À côté, Arthur s’amusait à attraper des poissons.
Le monsieur le regardait, puis a dit :
- Avec ton épuisette, je pourrais t’attraper quelques crevettes.
- Tu les manges ?
- J’en attrape une, que j’accroche, encore vivante, sur ma canne à pêche. Ça me permet de pêcher des anguilles d’un mètre et demi de long et 15 cm de diamètre.
- T’en a déjà attrapé une comme ça ?
- Oui, plein !
- J’ai vu, sous le pont, un poissons de 50 cm et je l’ai même touché avec l’épuisette !
Et le monsieur a commencé une liste très détaillée de poissons vivants dans ce canal et Arthur a eu du mal à suivre, car il ne connait que très peu les noms des poissons d’eau salée…
- Le poisson que tu as vu sous mon pont est très dur à attraper, car il n’avale pas l’appât, mais il le mange petit bout par petit bout et il ne s’accroche que rarement à l’hameçon.
- Si j’avais une lance, je la percerai sur le coup !
- Ah ça, c’est interdit !
Arthur le savait très bien. Mais il continuait ses rêveries d’enfant aventurier.
- Je voudrai bien pêcher avec l’arc !
- C’est vraiment interdit en Europe !
- Oui, je sais. Je voudrais le faire en dehors de l’Europe ;-) … Pourquoi tu dors sous un pont ?
- Dès fois, je choisis de vivre comme ça pour avoir la sensation de liberté !
- Et tu n’as pas de maison ?
- Oui, j’ai un appart à Montpellier, un peu plus loin.
- Tu es mexicain ?
Arthur avait remarqué une façon de parler un peu différente.
- Non, je suis Sètois, mais je viens d’une famille italienne.
Et il a commencé à raconter l’histoire de Sète et de ces ancêtres italiens qui sont nombreux dans la ville. Arthur n’a pas réussi à capter tout ce que le monsieur lui a raconté sur sa ville natale qu’il semblait aimer beaucoup : que ça avait commencé en 1600… les lieux à visiter… les plages… les richesses des mines de sel qu’on pouvait voir au fond… et par respect il s’est saisi des petits bouts de l’histoire qu’il comprenait pour réagir, juste pour maintenir le lien, car les deux hommes, le petit et le grand, savouraient la curiosité joyeuse de découvrir l’univers de l’autre.
Arthur reprend :
- Demain, on part et on ne pourra plus visiter la ville.
- Vous partez où ?
- On commence un tour du monde, maman et papa ont économisé depuis 20 ans pour réaliser leur rêve, avec leurs enfants.
- C’est très beau, magnifique… et en plus, avec les enfants !
Et l’échange a poursuivi, cette fois-ci sur tout ce qui est beau dans le monde !
- Et tu vas le faire avec tes enfants aussi ?
- Je voudrais le faire même plus tôt, je voudrais être reporteur et voyager !
- Au moins tu pourras filmer les dernières espèces qui existent encore avant qu’ils ne meurent !
La discussion a continué sur les ours polaires, le niveau de mer qui monte beaucoup, bientôt plusieurs mètres, les grandes inondations en Asie… et tant d’autres sujets encore : rien de nouveau, ni pour l’un, ni pour l’autre, mais le fait de partager leurs préoccupations et leur amour pour cette planète qu’ils aimaient tant leur faisait du bien.
Après un petit moment, Arthur a été surpris par une question du monsieur.
- Tu es scout ?
- Oui, je l’ai un peu été en Tchéquie.
- Ça se voit beaucoup !
Arthur n’en revenait pas… comment avait-il fait pour deviner ? Une question le travaillait beaucoup :
- Comment tu fais pour pouvoir te nourrir ?
- Dieu n’a pas besoin d’argent pour vivre !
La nuit était déjà bien tombée et il était temps de rentrer. Nous nous sommes tous dit « au revoir » et souhaité « bon voyage », qui ce soit sur la route, ou dans le voyage qui est la vie de chacun.
Le monsieur nous a lancé son appréciation
- Il a une grande culture générale, ce garçon !
Oui, et le monsieur, qui choisit pendant certaines périodes de sa vie de dormir sous le pont, aussi. Des connaissance sur le passé et le présent, mélangés à son expérience propre : sa famille, l’amour qui porte à sa ville natale, à ses racines, et les nombreuses expériences de sa vie dehors : les animaux avec qui il partage son espace de vie dans la ville, la survie dans les rues…
Où en est-il, ce monsieur, sur son chemin de la découverte de qui il est et de ce qu’il aimerait faire de sa vie ? En tout cas, il a su créer de l’espace pour vivre « le moment présent » et pour « ouvrir son coeur ».
- Merci monsieur, merci pour ce moment partagé et bonne nuit sous les étoiles!